• Je vois 1 L'hosto 1

    Je vois 1

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    L'Hosto 1

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    Je vois qu'à peine 5 jours après être arrivé, je commence déjà à bosser en tant que bénévole dans le service de pédiatrie de l'hôpital Peltier où se déroulera notre étude.


    Je vois que des équipes de 2 infirmiers y travaillent pendant des gardes de 12 heures d'affilée, de 8 à 20h, puis le lendemain de 20h à 8h, puis 2 jours de congés. Je vois qu'en plus, il y a un major, que l'on appellerait cadre chez nous qui coordonne tout ça et approvisionne tous les matins le service pour les 24 heures. Comme collègues, il y a donc : Fadoum, Djamila, Kamar, Fatouma, Zéïna, Kalija, Aïcha, Abdou, Ali, Moktar, Sahal et Idriss (répartis entre infirmiers et assistantes).


    Je vois qu'ils prennent ainsi en charge un service de 5 chambres de 4 lits pouvant chacune être étendus jusqu'à 8 lits (puisqu'il y a dans chaque chambre 4 lits et 4 grands berceaux), ce que je n'ai jamais vu, mais 5 et 6 arrivent souvent et 7 de temps en temps. Je vois aussi qu'il y a une salle pour les nouveaux-nés qui en accueille parfois jusqu'à 8 dans 4 berceaux et 4 incubateurs.


    Je vois que le service a été rénové il y a peu et que l'environnement est propre et respirable dans l'ensemble : dans les chambres je voie des Mickey, Boule, Donald, ... Au fond du service, je vois une petite salle de jeu avec un portique et quelques jouets, j'y vois même une télé.


    Je vois que la pharmacie est plus remplie que ce à quoi je m'attendais, j'y vois plusieurs variétés d'antibiotiques IV comme per os, des antipaludéens, du lasilix, un anti parasitaire, du valium, du paracétamol et des ions. Par contre, je n'y vois pas d'anti douleur, pas d'anti émétique, pas d'anti diarrhéique, pas de mucolytiques. Je vois que dans toutes les chambres on a le vide et l'oxygène, par contre, je vois aussi qu'on a que 3 manomètres dont 1 qui fuit. Je vois qu'on a des perfs de sérum phy, de G5 et Ringer, des SNG et des sondes d'aspi. Je vois qu'on a des cathé pédiatriques de l'alcool, de la béta diluée et du coton, je vois qu'en revanche, on a pas de compresses, pas de bouchons (on les prends sur des cathés qu'on ouvre). Je vois que l'essentiel est là.


    Le reste, je vois que c'est aux familles de le payer (quand elles le peuvent : ce qui est le cas moins de 1 fois sur 2) lorsque c'est prescrit par le médecin. Je vois que les mères dorment dans les chambres avec leur enfant, quant à celles des nouveaux-nés, je vois qu'elles ont une petite pièce pour y dormir et s'y reposer où elles vivent entassées pendant toute l'hospitalisation de leur petit.


    Le médecin fait la visite tous les matins sauf le vendredi. Je vois le Dr Madhi, chef du service et le Dr Ahmed. Tous 2 sont les coordonnateurs de la partie suivi nutritionnel du projet spiruline. Je vois qu'ils sont sympathiques, humains, professionnels et entreprenants, je vois que de travailler avec eux sera agréable. Je vois qu'en plus il y a Anita, une pédiatre cubaine qui est venue ici pour 2 ans. Je vois qu'en plus de travailler ici, il sont aussi responsables de Dar el Hanan, la maternité, ainsi que du service pédia de Balbala (banlieue de Djibouti city). Je vois qu'ils ont un boulot de fou.


    Je vois les enfants souffrir de gastro-entérites, d'infections pulmonaires et urinaires, de paludisme, d'insuffisance rénale, de marasme, de kwashiorkor, de parasitisme, d'infections néo-natales, de séquelles de souffrance intra-utérine, de prématurité, de méningites, de leucémie, ..., j'ai même vu un cas de tétanos. La sérologie HIV est rarement demandée, mais il est certain que je le côtoie régulièrement.


    J'ai d'abord travaillé 4 journées de suite puis ai intégré la garde de Idriss et Sahal : je souhaitais changer d'équipe de garde toutes les semaines, mais la première semaine, je n'ai travaillé qu'avec Sahal car la mère d'Idriss venait de décéder, puis quand celui-ci est revenu, Sahal a été mûté en réa (signe que j'ai directement été considéré comme personnel à part entière) et j'ai donc dû rester dans la garde avec laquelle j'avais commencé. Me contentant de venir travailler en supplément la matinée de mon 2ème jour de repos (ce qui me fais faire 30h tous les 4 jours).


    Je vois qu'le décors est planté, maintenant, par où commencer ?


    Disons par ma première réa, la seule qui a marché : ma deuxième nuit de garde, on a un petit prématuré de 700g dans une couveuse, vers minuit, je vois sa mère nous appeler, et je vois ce petit qui n'a pas encore de nom, en arrêt cardio respi. En ce qui me concerne c'est le branle bas de combat et avec Idriss au bout de 5mn on fait repartir le cœur et les poumons, à 2h il nous refait le même coup, et on le remonte encore. Ca n'arrivera plus, au bout de 4 semaines, le petit Fayçal a atteint 1,100 kg, il respire bien, il est en pleine forme et costaud comme une grenouille. Un matin, je le vois pas, je vérifie, il est pas mort, donc il est rentré chez lui, ou plutôt entré puisque c'est la première fois de sa vie. Bonne chance et bon courage Fayçal, t'y arrivera j'en suis sûr, vu comment tu t'es battu.


    Je vais poursuivre, par ma dernière réa en date, la catastrophe, la ... , la preuve que je suis un vrai con ! J'arrive pour prendre ma nuit de garde, je commence par jeter un coup d'œil à la salle des nouveaux-nés et j'en vois un en arrêt respi, directement je vais chercher le ballon et commence à le ventiler. Fadoum, qui a travaillé toute la journée me rejoint et j'vois qu'elle m'explique qu'il a déjà eu 2 arrêts dans la journée dont 1 cardio-respi. Au bout de 5 mn, je vois qu'on parvient à relancer le réflexe respiratoire, le médecin arrive et nous fait une prescription de RL + G50%. Entre temps, je vois qu'on a déjà manipulé plusieurs fois le manomètre à O2. Le temps de préparer la perf, et je vois que le petit est de nouveau en arrêt respi, je reprends la réa. Fadoum part, Idriss arrive (la notion d'horaire est relativement aléatoire ici). Au bout d'une ½ heure, je vois que je relance la respi, je laisse le petit sous forte dose d'O2 et part préparer les ttts de 22h. Entre temps, je reviens régulièrement le surveiller et ça rate pas je le retrouve en arrêt respi, je vois que j'ai beau le ventiler il part en arrêt cardiaque. Je relance le cœur, mais pour la respi, rien à faire, à part quelques inspirations intermittentes qui peu à peu disparaissent, je vois que je n'obtient rien, pourtant, le cœur bat toujours alors je continue, mais je désespère, j'ai déjà vu tellement d'enfant partir avant et je le vois en faire autant : je vois la cyanose complète y compris sous le masque du ballon, je vois la disparition de tous les réflexes, je vois la langue hypotonique et flasque qui suit le mouvement de l'air à chacune de mes insufflations, la poitrine sur laquelle je dois appuyer pour vider les poumons après chaque insufflation pour pas que l'air parte dans l'estomac, les yeux aréactifs, la mydriase et l'iris embrumé. Mais je vois que le cœur bat toujours, alors je continue malgré la mère qui a côté de moi me dit « Rallass, rallass » ( ça suffit). Pour moi, tant qu'y a du cœur, y a de la vie et tant qu'y a de la vie y a de l'espoir. Pourtant, au bout d'une heure et demi, je vois que j'ai plus d'espoir et j'arrête, j'explique à la mère que c'est pas fini mais que maintenant c'est à lui de trouver la force : Putain, le cœur bat encore , faiblement mais encore , et moi j'arrête, j'arrête putain de merde et je signe par la même son arrêt de mort. 5 mn plus tard il est effectivement mort. Je vois que je retire le matériel médical, nettoie le bébé puis le mets en position et l'enferme dans son tissu rouge et noir qui devient son linceul. Il n'avait pas de nom. La mère revient en pleurs, et je la vois l'emporter. Je reviens et débranche le manomètre : je vois mon sang se glacer, ma sueur se geler, mes poils se hérisser, je vois que l'oxygène de ce petit et de celui d'à côté sont croisés. Je vois qu'je manque de m'éclatter la tête contre les murs. Je regarde le petit d'à côté et je vois un miracle, la sonde d'O2 n'est pas dans son nez et il n'a pas pris en plein poumons les doses massives d'O2 que je lui envoyais malgré moi, par contre l'autre serait-il mort s'il avait reçu plus de 3l/mn ? je le saurais jamais, je m'en voudrais toujours et plus jamais je n'arrêterais de réa tant que j'ai encore le cœur pour moi, mais Dieu que le prix de cette leçon a coûté cher. Je vois que je passe alors toute ma nuit à surveiller le petit d'à côté ainsi qu'un autre nouveau-né qui vomis et chie du sang. PUTAIN vérifier son putain de matériel c'est la première chose qu'on apprend chez les pompiers et moi j'ai passé prêt de 3 heures à tourner le dos à ce putain de manomètre. AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA


    L'homme que je vois dans le miroir le lendemain matin n'est plus celui que je voyais après avoir compter les kilomètres, je vois un con. Un con qui retrouvera plus le sommeil pendant encore plus de 24h.


    Le premier bébé mort que je vois, j'ai pas encore commencé mes gardes, je suis de jour avec Fadoum et Djamila, on prépare les injections de 18h, quand je vois Djamila se lever pour aller surveiller les nouveaux-nés, elle appelle Fadoum et je les vois commencer à essayer de réanimer un petit pendant 5mn. Elle s'arrête et je vois ce petit être étendu, immobile, blanc. Pas de grande différence avec les morts adultes si ce n'est l'impact émotionnel. Voir des vieux mourir en France en direct avec le scope c'était moins dur et je me faisais une raison, mais voir partir ces petits d'hommes qui n'ont jamais vu la lumière du jour, ça fais mal , très mal ; et toi qui t'es bougé en espérant pouvoir les aider, tu vois qu't'as l'impression d'être inutile.


    Un jour de boulot, je vois arriver 2 jumeaux prématurés et infectés : un garçon et une fille, ils n'ont pas de nom. Ils sont dans un état grâve mais on les requinque un peu et le soir je quitte le service en me disant « une chance sur deux ». C'aura été zéro pointé, le lendemain, je suis de nuit et je vois qu'ils sont toujours là, mais à 21h30, je vois le garçon commencer les arrêts ; je le vois tomber petit à petit pendant 3 h de réa avec sa famille derrière qui me dis d'arrêter, mais je m'y refuse et continue encore et encore, j'ai l'impression de lui faire énormément de mal à chaque fois que je relance le cœur, je le vois grimacer, se contorsionner, puis petit à petit partir. A 0h30, je vois que c'est fini. Je vois qu'il est le premier enfant que j'enferme à jamais dans un tissu (noir et jaune), j'ai vu que j'aurais aimé qu'il soit le dernier. Pourtant, le second n'aura pas tardé puisque malgré ma surveillance et mes soins à sa sœur, je vois que celle-ci commence les arrêts à 3h. Jusqu'à plus de 6h j'essaye tout ce que je peux, je vois qu'elle se bats, je vois qu'elle en veux, mais je la vois nous quitter, elle aussi. Je l'enferme dans son linceul (rose), elle aussi. Je vois qu'j'en peux plus et je sors prendre l'air dehors où j'entends les croassements des corbeaux (qui sont partout à djibouti, et beaucoup à Peltier), je vois qu'j'ai l'impression d'être dans un cimetière cauchemardesque. Je sais pas pourquoi, mais je vois qu'j'en ai besoin alors le matin même, sur 2, je leur donne un nom : Tito et Toti ; mes deux premiers échecs et il y en aura d'autres mais je vois que je vais pas tous vous les décrire.


    Je vois le découragement, la frustration, le sentiment d'inutilité et d'impuissance. Je vois que dans cette profession que j'ai choisi, on ne sais jamais quand nos actions sont utiles (à moins de bosser en réa ou aux urgences), on ne peux qu'en mesurer l'importance sans jamais connaître réellement leur impact, par contre, je vois que quand on merde, on le sait direct, je vois qu'c'est pas sur nous qu'en retombent les conséquences et je vois qu'c'est dur pour la conscience. A tous mes collègues à travers le monde : BIG UP !


    Depuis que je suis arrivé, je vois Alo, un Afar de 12 ans, qui souffrirai d'une leucémie : on a ni les moyens de diagnostic, ni les moyens de traitement et tout c'qu'on fait c'est surveiller régulièrement sa numération. Quand on reçoit les résultats où on voit une hémoglobine à 0 (oui oui 0 : le labo nous envoie des résultats parfois bizarres), on le transfuse, mais comme le gosse est sans famille, la banque de sang rechigne souvent avant de nous envoyer une poche de son sang qui est rare ( pourtant, je vois qu'ici on se casse pas la tête avec des phénotypes tirés par les cheveux). Je vois qu'il est extrêmement faible, bourré d'oedèmes qui lui permettent à peine d'ouvrir les yeux, mais je vois en lui le courage de ceux qui subissent leur sort la tête haute. Je vois qu'un vieux couple afar a pris sur lui de s'en occuper et tous les matins, au soleil levant, ils l'emmène se balader dehors en fauteuil roulant. Un matin, je le vois devant la télé et je l'entends chanter une chanson lente et mélodieuse ; je pense que c'était une prière, je vois  qu'j'ai rarement entendu chanson plus belle. Il a été transféré il y a 3 jours à l'hôpital italien, bon courage petit chef ! Et bonne chance aussi !


    Peu après mon arrivée, je vois entrer un petit Ethiopien de 4 mois, il pèse 1,700kg (putain, je pesais presque le double à ma naissance), il s'appelle Hamza et a un frère jumeau qui se porte bien. Je vois qu'on le renutri avec du lait spécial, qu'on le met sous vitamines, antiparasitaire et antibiotique. Au bout de 3 semaines, je vois qu'il pèse 2,300 kg et qu'il est mieux, réactif et souriant. Je vois qu'il a suffi que j'écrive ça dans 2 pour qu'il s'infecte. Je vois que ça a servi à rien que je fasse revenir le médecin pour lui. Un soir, que je viens bosser, je vais voir sa chambre et je le vois pas, je regarde sur le cahier et vois qu'il est mort la nuit précédente, après mon service. Fadoum a des petits yeux, je vois qu'elle est aussi dégoûtée que moi. En 2 jours il est tombé, sa mère est parti alors que le frère était tombé malade aussi.


    Un soir, en fin de journée, je vois les urgences nous transférer un grand de 10 ans bardé d'oedèmes et en détresse respiratoire, je vois qu'il est à 2 doigts de se noyer et que notre lasilix ne le vide qu'à peine. Je vois que je prends l'initiative de lui relancer un flash de lasilix alors que je suis obligé de le mettre sous O2 ( en le retirant à un autre gosse qui en un peu moins besoin), voyant le peu d'efficacité de mon action, je vois que je fais revenir le médecin. Avec lui, je vois qu'on essaye en vain une ponction d'ascite, on le sonde (y a pas de béta ce jour là, on va pas désinfecter le gland à l'alcool, il morfle déjà assez comme ça alors on sonde sans antiseptie, on a même pas de gants stériles, c'est un miracle qu'on l'ai pas infecter, mais y a des priorités). Je vois que ça lui aura peut-être fait tenir la nuit, peut-être fait tenir les 5 jours suivants, mais je vois qu'il est en insuffisance rénale sévère et je vois qu'on y peut rien, je vois que les dialyse coûte ici une fortune et qu'elles ont si peu de réussite que la famille hésite à la lui faire subir. Il est mort la veille de son rendez-vous à l'hôpital italien pour commencer les dialyses. Il s'appelait Sherem, je vois que j'ai l'impression de ne l'avoir soigné que pour ralentir sa chute, que pour le faire souffrir un peu plus et de ne lui avoir apporté que la terreur de voir la mort arriver, de voir le sol se rapprocher. « C'qui compte c'est pas la chute, c'est l'atterrissage !»


    Je vois que je me sens inutile, coupable, impuissant, désarmé, j'ai l'impression que j'arrive à rien ; je vois tellement de gosses tomber sans parvenir à leur offrir un parachute, je vois si souvent ces 3 lettres signifiant la mort sur le carnet que je vois que j'me refuse de les écrire sur ce blogg. Je vois que je suis venu ici me sentant appelé par 3 autres lettres signifiant l'appel au secours, mais je vois que je n'arrive pas à intervenir. J'y arrive pas PUTAIN !


    Je vois quand même des gosses s'en sortir : je vois que vous paniquez. Et je vois que c'est quand même la majorité mais je vois qu'c'est pas assez à mon goût, pas assez pour un petit frenchy qui se pointe avec son idéalisme qui ici parait être une utopie. Je vois que je ne vois que les échecs mais que je sais que c'est d'eux et des critiques qu'on apprend, pas des réussites et des compliments, j'essaye de tirer un maximum de leçons mais des fois je vois pas comment faire mieux et je vois que je veux pas me laisser emporter par une fatalité qui me boufferais. Je vois que j'ai travaillé à la période de congés et je vois clairement que les soins en ont subi mais putain les gosses par la même occasion. Hakuna Matata, j'aime et j'apprécie, mais poussé trop loin à l'hôpital ça donne un j'm'en foutisme (et c'est moi qui dit ça) que je ne supporte pas. Je vois qu'c'est impossible de suivre une perf, tu sais jamais à quelle heure elle a été posé et si tu risque de noyer ou de déshydrater un petit, je vois souvent que les perf que j'ai posé une nuit y sont encore alors que je reprends ma garde de jour 2 jours plus tard, je vois certains de mes collègues kater au boulot, j'en vois certains passer une garde sans rentrer dans la chambre des nouveaux-nés si c'n'est pour injecter les antibiotiques pleins pot et je vois que je m'étonne pas qu'les veines claquent si souvent. Je vois que j'vous ai pas encore parler des KT. Putain, je vois que poser une voie veineuse à un gosse c'est dur à apprendre et une veine dur à trouver. Quand le gosse est pas si minuscule que ton téflon est trop grand et viens buter à un croisement, il est alors trop en chair et les veines que tu devines se barrent quand la peau se plie comme un accordéon malgré qu'tu la tendes du mieux qu'tu peux. En plus, ces braillards se débattent tellement que des fois t'as envie de leur mettre des tartes quand t'as choppé la veine et que d'une secousse il envoie tout en l'air. Maintenant, je commence à avoir la main pour ça, mais entre ça et les antibiotiques que tu leur injectes et qui leur brûlent les veines, quand les gosses sont en traitement IV, je vois que dès qu'ils te voient il braillent et pleurs, je vois qu'j'ai m'impression d'être le grand méchant loup alors que je veux tout le contraire et je vois que des fois en rentrant du boulot j'en ai sacrément gros sur la patate. Pourtant, je vois que je suis costaud et que je garde un distance entre le boulot et le reste.


    Je vois aussi qu'j'arrive faire rire des enfants, je vois que j'aime la pédiatrie aussi dur que ça puisse être et je vois que suis un vrai con, de pas avoir fais le forcing pour y travailler en France : j'ai aucune idée de ce à quoi pourrait ressembler un tel service dans mon pays et je vois que je rectifierai vite le tir à mon retour.


    Je vois aussi que je suis pas le seul à en avoir marre de nos échecs et qu'une grande réunion est organisée dans quelques jours pour tout remettre au point. Je vois qu'des vies en dépendent et qu'je chie sur mes collègues qui se plaignent au moindre remaniement d'organisation qui visent à améliorer les conditions des gens qu'on prend en charge.


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