• JOYEUX NOEL !!

    Joyeux et Merveilleux Noël à Tous !

    Je vais très bien, je suis Toujours vivant. (Après plus de 3 mois de silence, ça me parait un peu normal de commencer comme ça).
    Et Vous ?

    Et il s'en ai passé des choses depuis mon anniversaire (le 10 septembre, c'est la St Sylvestre Ethiopienne : Cool. Donc le 11, c'est le Nouvel An, c'est marrant la Vie quand même).
    Le projet Spiruline a eu un mal fou à être réalisable.
    Tout d'abord notre table ronde auprès de tous les grands organismes internationaux (elle était impec et je suis sûr que jamais une table ronde à Djibouti n'avait si bien montée et si complète) : et ben ça n'a rien donné. Et il a fallu un nombre incroyable de relances pour que l'Unicef finisse par nous avoué (au bout de 2 mois) que temps que la spiruline n'était pas reconnue par l'OMS, et ben Zobie pour Oms, Unicef, Pam, et Usaid ; l'Afd (les français)nous avait gentiment envoyés balladés alors qu'ils pensaient qu'on aurait l'appui de l' Oms quant à la Jika (les nipponais), ils se sont pas plus fait chier avec nous plus longtemps que les 2 heures qu'avaient duré cette conférence ( le 7 sept).
    Pierre et Eléa, les 2 étudiants de médecine qui venaient réaliser l'étude nutritionnelle avec moi ont été suivis début octobre par Marie-Eve (québecquoise et éduc spé) et Emilie (parisienne, blonde et psychologue => elle a tout pour plaire ;)).
    Moi, j'ai continué de travailler jusqu'au 25 octobre à Peltier, et entre temps, j'ai fais le jeûn du Ramadan.
    Le 26 on a été invité par un producteur de musique djiboutienne ( Kaze contacte moi bordel de merde, au moins pour ça et envoie l'adresse mail de tof que je puisse la donner à ce type terrible : il s'appelle Diletta) a assisté à un concert à Tadjoura (au nord, en territoire afar). J'ai donc traversé en boutre le golf de Tadjoura avec tout le groupe Arhotabba (chef de caravane (de chameau (dromadaire pour les puristes))en afar) et non seulement ils sont bons musicalement et scéniquement, mais en plus chaleureux et vivants c'est incroyable (quoiqu'ils faisaient pas les malins dans le boutre).
    C'est ce jour là que dans ma traversée très agitée ( et un boutre , croyez moi, ça gigotte), que j'ai vu des Dauphins (libres) pour la première fois de ma Vie. C'était le jour de ton anniversaire Maman, je l'oublierais jamais => Je T'Aime. C'est aussi ce jour là que j'ai foulé le sol de Tadjoura : la ville blanche aux 7 mosquées (où Rimbaud s'était installé un moment, (la hutte où il habitait a été reconstruite sur l'emplacement). J'en ai profité pour monter un peu plus au Nord, dans les montagnes pour aller voir Randa. Là bas, j'y ai rencontré l'infirmier major du dispensaire avec lequel je me suis mis d'accord pour y ouvrir le Centre de Renutrition et y former 2 infirmières . Je suis donc redescendu sur Djibouti où je me suis formé à l'utilisation du CSB (farine renutritive distribuée par les organismes internationaux : j'utilisais pas ça à Peltier) au dispensaire d'Arhiba ( bienvenue en Afar), le quartier Afar de Djibouti ( je pourrais aussi dire bidonville), et puis je suis remonté sur Randa au bout d'1 semaine.
    J'y suis resté 2 semaines où pour une première expérience comme enseignant je pense m'être bien débrouillé. Ce malgré une sacrée élève : les 2 infirmières que je formais s'appelait toutes 2 Nasro, une ancienne très expérimentée mais qui ne sera que sensée être en appui de la seconde Nasro. Et celle là, elle était terrible : d'une beauté ravageuse, et le problème, c'était qu'elle le savait, hautaine et susceptible comme pas 2, elle m'a fait galéré a essayé de se sortir de toutes les situations par des battements de cils. Mais, les derniers jours, alors que je les laissait travailler seules, j'ai bien vu que les messages et les infos étaient passées, elle commençait même à adapter les règles du Centre aux besoins de Randa. Toute en les observant, moi, je fêtais le premier anniversaire de mon métier en réalisant une campagne de vaccination, probablement la première d'une longue série. Inch'Allah et Allah Wakbar.
    Marie-Eve est revenue me chercher en catastrophe (la rumeur disait à Tadjoura que j'allais rester sur Randa pendant 2 mois) parce qu'à Djibouti, c'était en train de chier grâve.
    Depuis l'arrivée de Pierre et Eléa, on avait préparé l'étude, le protocole, questionnaire, carnet de suivi, ... Et rien ne pouvait plus avancer sans capitaux (notre bouffe, depuis septembre, c'est à Madhi qu'on la doit). Notre seule erreur a été de ne pouvoir faire vivre la spiruline liquide que Charles (professeur et ingénieur en agronomie de Genève), qu'a cela ne tienne celui-ci pouvait nous en envoyer de la sèche.
    Madhi a réussi à nous trouver un contact qui nous a donc commandité de réaliser une étude au centre anti-tuberculeux de Djibouti, celle-ci nous aurait été rémunérée et aurait permis le financement du projet spiruline. Pierre et Eléa ont mis l'étude sur pied en un temps record. Et quand on a voulu la présenter à notre contact (un organisme rattaché, mais externe au ministère), il nous a évité, nous posant lapin sur lapin (chier dans pelle : en québecquois). A côté de ça, les médecins djiboutiens en charge du projet étaient tellement débordés ( et je suis bien placé pour le savoir, ayant travaillé avec eux) qu'il était très dur de les rencontrer et eux n'avaient que peu de temps à consacrer au projet (...).
    Madhi a fini par faire connaissance avec le médecin chef de l'hôpital de Balbala (banlieue et essentiellement bidonville de Djibouti city), celui-ci ouvrait au même moment un centre de renutrition et acceptait qu'on y réalise le projet (comme on se rapprochait à portée de la population visée, on avait plus à financer les allers et retours des enfants). On a donc commencé à travailler là bas fin octobre.
    J'en était là quand je suis parti pour mes 2 semaines à Randa. Et putain, ça a pas chier que dans la pelle pendant mon absence. Pierre et Eléa étaient soumis à des impératifs de temps contrairement à Marie-Eve, Emilie et moi. Ils ont pêté un plomb à force de s'impatienter,notamment sur l'arrivée de la spiruline séchée (il faut +d'1 mois aux bassins de l'école de Genève pour produire les 5 kg nécessaires pour démarrer), alors que le centre de renutrition n'était pas encore prêt à ce qu'on y réalise l'étude fiablement. La victime essentiel en a été Madhi, ils ont fait et dis des choses sur lesquelles on ne revient pas et Madhi a été contraint de rompre leur participation au projet. Quand je suis revenu à Djibouti, j'étais donc seul bénévole en charge de l'étude nutritionnelle.
    Depuis mon retour, je me suis attelé à la réorganisation du centre et aux soins médicaux des enfants qui s'y trouvent ( et y a du boulot, j'apprends la médecine). Une major vient d'être nommée et je vais maintenant pouvoir commencé l'étude : les tests entre noël et le nouvel An, et en janvier : de la route. Inch'Allah, et Allah Wakbar.

    Voilà où j'en suis, j'ai beaucoup changé, beaucoup appris, mais il me reste encore énormément à apprendre : en examens médicaux, en suture, en médecine de « grobobo » voire « de guerre » et en secourisme médical en général ( hier j'ai soigné dans l'appart un type qui avait pris un coup de tesson de bouteille dans le dos) ; en pédiatrie (encore que là je commence à gérer et j'ai 2 bouquins à dispo), en remède de grand-mère (quant les gens peuvent pas se payer les médicaments), ...
    Voilà, bientôt 7 mois en Afrique ( pour le nouvel An), plus de 5 à Djibouti (qui est quand même un pays africain particulier). Le tout sans quasi aucun usage de la technologie, mis à part Egypouti, et sans quasi aucun contacte avec Vous, je pense que c'était une expérience psychologique à faire, et je la regrette pas, mais j'vais maintenant vous donner les moyens de me contacter :

    Pour le tel : 0821 234 848, là ça sonne, tu tapes 1 et ensuite (il doit falloir attendre qqs secondes) 06 88 89 78 70 : 12 cents d'euros / mn => je suis 2 heures en avance sur Vous, mais Vous pouvez appelé tard.

    Pour la poste :
    Romain CLIQUET
    BP 4410
    Djibouti Ville
    République de Djibouti

    Hésitez pas non plus à m'envoyer vos addresses, j'en ai aucune et puis aussi, pour les mails : c'est la dernière fois, essayez de me contacter en priorité sur koolau (enfin pour les rares qui cherchent à me contacter)

    Quand je reviens ? Franchement je suis le premier à pas le savoir, c'qui est sûr c'est qu'au 31 mars, je réserve mon billet retour. Mais apparemment, le docteur Ahmed souhaiterai créer un poste d'infirmier-chef de la pédiatrie et me le proposer pendant 1 an pour restructurer le service et prendre en charge la malnutrition. C'est une sacrée chancemais je compte plus dessus depuis longtemps, depuis le début on joue de poisses en galères et on survie sans aucun soutien de nulle part. Le 28 janvier, on organise une conférence, mais cette fois, on va essayer de faire appel au privé. En tout cas, et c'qui fais chier, c'est que j'me rends compte maintenant que j'verrai sans doute pas la fin de l'étude, et que je devrai me casser en laissant le bébé à la relève.

    On a eu un joli cadeau de Noël : la spiruline est arrivé ce jour là, la veille du début des tests (pour ton anniv' Mik)

    Joyeux Noël Bonnes fêtes Merveilleuse Année 2007
    Soyez prudents
    Soyez Forts



    1 commentaire
  • DJ2

    Djibouti 2

    J'ai écris ça y a longtemps, c'est un peu obsolète

    Par où continuer ?

    Le 6 novembre, Djibouti accueille la réunion des chefs d'Etat de la COMESSA. La COMESSA, en vite dis, c'est une sorte d'union d'états africains : elle réunie l'ensemble des pays qui longent la côte est de l'Afrique, allant de la Lybie à la Tanzanie (plus ou moins). C'est un gros truc, très gros et c'est la première fois que Djibouti accueille une si importante réunion internationale.
    Du coup, la capitale se refais une beauté. (Plus ou moins au dernier moment)
    La ville de Djibouti est une presqu'île qui pointe au Nord dans le golf de Tadjoura à la porte de celui d'Aden (Adam en arabe ; Eve, c'est Hawa, Jesus, c'est Issa ; Marie, Mariam ; Joseph, Youssouf ; Moïse, Moussa ; Noé, Nouh ; David, Daoud ; Salomon, Souleiman ; et Abraham, c'est ... allez, un petit effort, il est pas très dur), le « Héron » en est la pointe : c'est le quartier chic, et c'est dans ce quartier qu'un immense hôtel de luxe est en construction, il doit être prêt pour la Comessa (c'est là que logerons les quelques 20 présidents) : c'est la course contre la montre. Pour le construire, ils ont apporté des tonnes et des tonnes de sable pour remplir la mer, c'est une technique très utilisée dans ce quartier ce qui fait qu'il ne s'arrête jamais de grandir. Les quartiers riches et expatriés se développent sur la mer ( imaginez la tête qu'ils feront dans quelques dizaines d'années quand y aura plus de pétrôle dans le coin et que le réchauffement climatique fera grimper le niveau de l'eau d'1 cm par an ) tandis que des quartiers de réfugiés et d'indigents se créent sans cesse dans les terres avec l'affluence des populations nomades et rurales ( Balbala, PK12 et PK20 explosent) => Djibouti n'échappe pas à la règle internationale de l'exode rural, avec son lot de déchéance culturelle, éducative et sanitaire.
    Le palais présidentiel est en travaux aussi, de même, depuis la mi-août, tous les ronds points de la ville se sont retrouvés en même temps en travaux pour être décorés, les trous des routes commencent à être bouchés quant c'est pas la route entière qui est refaite, les places publiques sont nettoyés, les SDF délogés des zones de grands passages, des caches misères sont érigés un peu partout sur les futurs lieux de passage des présidents : soit sous forme de mur, soit sous forme de bâches accrochées aux barbelés ... C'est marrant de voir la ville changer si vite et je suis content d'être arrivé au mois de juillet pour la voir avant qu'elle ne se maquille. Même le sacro-saint Kat' est touché puisque les voitures qui ravitaillent la ville tous les jours n'ont plus la liberté des excès de vitesse.
    La centrale électrique aussi est en rénovation : pour éviter les coupures pendant la réunion. Du coup, il y a pleins de coupures de courant qui tournent à travers les quartiers de la ville. Pendant le mois d'août, quand je logeais chez Kéno, je les subissais : 1 à 2 , de 1 heure par jour.
    T'es dans une pièce où il fait 37° voire plus , quand le courant s'arrête et que le ventilateur cesse de tourner, tu sens l'angoisse arriver, tu déglutis un grand coup et tu attends (si tu dors, tu t'réveille en nage), ... , pas longtemps, d'un coup tu sens une première goutte d'eau quitter ton corps : vraiment, tu la sens littéralement traverser le pore de ta peau ; et tandis qu'elle coule le long de ton corps, de partout, l'eau s'en enfuit : au début, t'as l'impression de crépiter à chaque goutte de sueur comme un rice-krispies et puis très rapidement tu crois qu'tu t'es transformé en fontaine : c'est spectaculaire, même dans un sauna tu transpires pas comme ça (le taux d'humidité est abbérant).
    Maintenant, depuis le 06/09, on est logé avec Eléa et Pierre dans un appartement près de l'hosto, du coup on est branché sur le même secteur électrique et y a jamais de coupure, c'est un sacré coup de chance parce que depuis quelques jours, les coupures sont de 6 à 8 heures par jours selon les quartiers de la ville. Alors même que le ramadan commence et que les djiboutiens ne mangent ni ne boivent pendant la présence de Sham's, c'est la plaie, et ce début de mois sacré s'annonce dur pour eux. De même que pour moi qui me suis mis en tête de le faire aussi, pas pour des raisons théologiques mais plus pour me confronter vraiment à la faim et une nouvelle fois à la soif, cette même soif qui m'en a tant fais bavé y a si peu de temps, je veux l'affronter à nouveau dans cet univers plus contrôlé, je veux tester ma volonté, je veux connaître l'effet d'un jeûne, chez Nous, on y est jamais confronté alors que tant de nos frères le subissent chaque jour de l'année sans le choisir : je veux connaître ce qu'ils connaissent, et puis, mes collègues le font, je veux travailler dans les mêmes conditions physiques qu'eux. RdV dans une lune pour le constat si j'arrive à tenir le coup.
    Au Caire, les taxis étaient noirs, à Khartoum, ils étaient jaunes (un comble pour un pays anti-américain), en Ethiopie, ils étaient bleus ; à Djibout', c'est le vert : ils sont tous verts et blancs et y en a partout, par contre c'est assez cher, du coup il vaut mieux préférer les omnibus toyota (qui sont blancs) qui traversent la ville de toute part et sont un moyen de transport en commun très pratique : y en a tout le temps et tellement que t'as aucun problème pour en prendre un qui t'emmène dans ta direction. C'qui est marrant, c'est que tous ces mini-bus, ils ont un nom inscrit sur le capot comme une plaque d'immatriculation : t'as le Z.ZIDANE (royal), le SHAM'S (éblouissant), le SABRINA (mais elle me suis partout celle là) , le MAMA, le BIZOUX, le MERCI DIEU, t'as aussi le E.MURPHY, le J. BAUER (il m'fais rigoler à chaque fois que je le vois : 24h Chrono passe à la RTD)... j'en passe et des meilleurs pour arriver à mon préféré : le ENTRE TOI ET MOI : celui là, faudrait le louer une soirée pour un rencart.
    A l'appart' on a un accès au toit, du coup, j'en profite relativement souvent et des petites nuits à la belle étoile s'annoncent à relativement cours terme.
    Le franc djiboutien est très fort et la Vie à Djibouti coûte extrêmement cher : à t'en faire douter d'être réellement dans un pays en développement : les produits importés sont plus chers qu'en France quant au reste, il n'est pas bon marché. C'est une vraie difficulté économique pour ce pays qui attire ainsi énormément de travailleurs étrangers, qui travaillent pour moins cher que les djiboutiens, puis retournent dépenser leurs devises dans leurs pays d'origine tandis que les djiboutiens restent au chômage : même pour les travaux de la Comessa, il y a énormément d'indiens, d'égyptiens, ... et d'éthiopiens pour les boulots durs, quasi aucun djiboutien n'ayant de qualification, les boîtes privées ne leur font jamais confiance et eux-mêmes ne semblent pas vouloir changer cette tendance : à croire que le Kat' passe et passera toujours avant tout . De plus, tout coûte si cher, surtout le loyer et l'électricité, que quasi aucun développement industriel n'est possible sans l'aval de l'Etat (ce qui ne le dérange pas forcément), pour l'exonération temporaire des charges énergiques, ... ou alors il faut un capital de départ gigantesque et beaucoup de pistons ; ou encore, il faut beaucoup de pistons ( ça, c'est la variable invariable de tout buziness à échelle nationale et international, à Djibouti comme partout ailleurs) et une idée géniale : c'est le cas d'un djiboutien qui, après vu et vécu la guerre du golf I, la prise d'importance de CNN et des chaines de télévision, a voulu développer un bouquet satellite sur le pays, aujourd'hui il est millionnaire, et grâce à lui, je peux voir canal+, france2,3, 5, euronews, ... (pas à l'appart' quand même). Je les vois pas souvent non plus.
    Je ne suis pas forcément dépaysé en tout, et c'est ce qui est compliqué dans ce pays, on s'y croirait presque en France tant il y a de gens qui parlent le français, y a de la vache qui rit, des gendarmes (des poulets qui crient), des gens qui disent « putain d'merde » et des pétanqueurs, ... Du coup, tu tombes rapidement dans une sorte de faux rythme dans lequel tu t'immerges croyant avancer. Et c'est pas le cas, j'avance pas, je bosse toujours à l'hosto et l'étude n'a toujours pas commencé : ces benets de bailleurs de fonds sont incapables de choisir de financer ou non un projet de leur seul chef, ou alors ils sont incapables de dire « non » sincèrement et rapidement. Une chose est sûre, c'est que je me casserai d'Afrique avec une très sale opinion de tous ces organismes internationaux de merde dont les expatriés sont bien les premiers à avoir adopter le rythme africain et la fatalité des difficultés qu'on rencontre. Nous, c'est pas notre cas, on est sur le point de déclencher une nouvelle étude qui devrait nous être rémunérée et nous permettre de financer celle pour laquelle on est là. C'est le dawa. ... cette guerre a laissé bien des séquelles et des frustrations. Trop. J'ai cru faussement au départ que l'entente Issas – Afars était cordiale, mais je constate de plus en plus qu'il est rare de voir un Issa comme Madi katter avec un Afar comme abib.
    Démocratiquement parlant, il est clair que le pays a encore bien des progrès à faire et il faudra encore bien du temps avant qu'on puisse arriver à un stade où chacun (à peu près) aura sa chance ( et il faut dire que la France ferme gentiment les yeux pour protéger ses intérêts), mais on a pas fais mieux chez Nous : entre la Bastille et les lois des environs 1900, il y a eu du temps et les Djiboutiens ne sont pas en retard sur Nous.
    Il est clair que je pourrais être plus critique, mais on comprend vite quand on travaille en Humanitaire que tout jugement est hâtif, qu'exposer ses opinions aux vues et sues de tout le monde peut nous empêcher d'exercer notre métier pour les gens qui sont le plus dans le besoin (d'autant plus dans un si petit pays, où tout prend très vite une échelle nationale et où tout se sait par l'intermédiaire des mabrases (lieu où l'on Katte) où les gens deviennent vite plus bavard que 2 blondes qui se rencontreraient au pays des blondes), et que de toute façon nos seuls champs d'actions sont notre boulot et notre attitude : on change pas le monde à soit seul, par contre on peut changer certaines choses et donner des idées sur un monde qui tournerait rond. Alors on le fait, c'est peut-être ça aussi être Humanitaire.
    Les Ethiopiens. Vaste sujet. Le racisme est présent partout et il n'est pas bon d'être français dans tous les quartiers ( en même temps ça, c'est pas vraiment du racisme), pourtant, ici, ce n'est pas tant la notion de race qui prévaut mais bien celle de l'appartenance éthnique. Si le racisme est présent partout, c'est que ce doit être un sentiment naturel à la base ; comme une sorte de besoin de se fermer au sein d'une culture pour la protéger de la moindre modification. Il faudrait qu'un jour l'Homme arrive à comprendre qu'en guise de modification il appartient à lui d'en faire une destruction ou une évolution. Pourquoi 9 fois sur 10 il choisit la première solution ? Par facilité ? Par peur, c'est certain, mais le sujet est trop vaste et trop philo pour moi pour le moment, en tout cas, le Jazz me parait être un bon exemple d'évolution multiracée ayant donnée lieu à une Révolution.
    Revenons en à nos moutons, à nos éthiopiens en l'occurrence. Les frontières de djibouti, du fait du désert et des nomades sont extrêmement difficiles à surveiller. Il y a énormément d'Ethiopiens clandestins à Djibouti : fait accepté et toléré étant donné que ceux-ci sont près à travailler pour 5 fois moins qu'un Djiboutien. Ils forment donc une sorte de sous classe ( le mot est faible, mais c'est pas non plus des esclaves ) parmi la société : les gardiens de maisons, les femmes de ménage, les puttes, les mendiants, ... Beaucoup sont pourtant au chômage. Du coup, en plus du Kat', ils boivent beaucoup d'alcool (je connais pas les proportions de consommation d'alcool artisanale : eau de cologne, alcool à 90, liquide de frein et allez savoir quelles autres saloperies => Putain l'alcool c'est vraiment de la merde, je suis le premier à kiffer une bonne bière fraîche en sortant du boulot, mais pourquoi une telle proportions de gens qui prennent l'ivresse pour un plaisir ? Quand on sait se passer des choses, on sait les apprécier ). Et qui dit alcool et drogues (en plus du Kat', y a des amphèt' pourris qui tournent pour pas cher, et puis il y a les épices) dit délinquance, comme quoi, les déchéances sociales qui créent la merde sont bien souvent les mêmes, quelque soient les cultures. Du coup, il n'est pas rare quand il se passe une merde qu'un Ethiopien soit dans le coup. Et quand c'est une très grosse merde, il n'est pas bon d'être éthiopien dans les rues, surtout si la merde a eu lieu en pays afar où la loi tribale est très sévère et se rapproche de celle du Talion. Il peut alors y avoir de sacrées vendettas. Il y a du racisme envers les Ethiopiens, c'est certain. Mais le problème reste pour moi le même en découvrant ce pays, je me rends pas compte des proportions.
    Pour le tourisme, Djibouti c'est beau, ça a l'air de déboiter même. Le délire c'est le transport et le logement : ça coûte quasi aussi cher qu'en France alors pour un petit bénévoles qui économise le moindre de ses deniers pour profiter le plus longtemps possible, c'est tendu du slip. Par contre, grâce à Madi et ses amis, on a quelques contacts qui devraient nous faciliter la tâche. abib nous a même emmené sur une plage pas loin de la ville : Khor Ambado, un site pas mal du tout pour le snorking avec des poissons paradisiaques à la pelle, par contre, la barrière de corail a déjà beaucoup morflé, encore. C'était la deuxième fois que je me baignais depuis que je suis là et j'ai pris un très méchant pied à faire de l'apnée pendant que le soleil se couchait. Si tout va bien même, je devrais aller à Tadjoura pour assister à un concert le jour de ton anniversaire Maman. Tadjoura, c'est la ville blanche, c'est là qu'habitait Rimbaud et c'est une zone afar, je suis pressé d'y être et j'espère pouvoir y bosser un peu.
    Les djiboutiens quand ils te parlent, ils sont toujours en train de te dire : « hm, n'est-ce pas ? » , à croire qu'ils se sont fais coloniser par des anglais. En fait, je crois que c'est une expression en somali et le Kat' les speedant en plus, c'est une expression qu'ils répètent sans arrêt sous birkhane.
    A propos du Kat', j'ai pas mal changer d'avis, bien sûr, c'est conviviale et c'est l'occasion de se réunir. Mais ça permet de se trouver l'excuse nécessaire pour se droguer tous les jours. La première fois que j'ai essayé, j'ai rien senti, maintenant que je broute rarement, la dernière fois que je l'ai fais et que j'ai senti la sève affluer dans ma bouche, j'ai trouvé ça agréable : c'est donc vraiment une drogue. Et c'est vraiment une plaie ouverte pour un peuple d'être, sur de telles proportions, accro à une amphèt'. L'excès nuit en tout et l'excès dans le Kat' ici est monnaie courante, ce sont des salaires entiers qui partent dans cette herbe plutôt que d'être investi par le père de famille dans le nécessaire pour les gosses, ce sont des milliers de divorces prononcés parce que sorti du boulot le mari part se shooter et que la femme l'attend. Les femmes consomment beaucoup aussi mais sont extrêmement discrètes. C'est bourré de pesticides, ça coupe la faim, ça empêche de dormir, ça fait monter la tension et quand tu broutes, tu bois plein de coca et de thé archi sucré, je vous laisse en imaginer les conséquences, sanitaires déjà. Pourtant, c'est vrai qu'un peu de temps en temps, c'est cool et ça fait du bien : rien que pour les épices, tu t'mets 3 branches et t'es à nouveau frais comme un gardon. Par contre , c'est quand même étrange de voir une journée et une organisation sociale à ce point là organisée et rythmée par l'arrivée à 13h de cette plante (y a 2 journées par jour) et par les multiples discussions, relations, business, ... qui se font pendant les séances dans les mabrases.
    Pour ce qui est de la sécurité, y a vraiment pas de problème mais je dois avouer qu'on a manqué de chance : la première fois qu'on est parti se baigner (sur une plage déserte) avec Pierre et Eléa, on s'est fais braquer par un nomade armé d'une machette. On s'en est bien tiré grâce à l'intervention d'un djiboutien qui était pas loin mais qu'on sait pas d'où il sortait. Et puis 2ème coup : Le premier jour du Ramadan, je suis sorti à 3h du mat' pour aller voir si c'était possible de prendre mon « So-hour » (le dernier repas avant le début du jeûne) à la cafèt de l'hôpital. Ca a pas été le cas alors je suis rentré à l'appart' et sur la route, je me suis fais braqué par 2 djiboutiens armés de pierres. Franchement, j'ai même pas flipper, ça s'est passé vite et lentement à la fois : je suis sûr que j'aurais pu m'en tirer sans casse, mais au moment où ils m'arrachaient ma montre (tout ce que j'avais de valeur), je pensais à la promesse que je t'ai faite, Jérémie, et je l'ai tenu, mais franchement, je me demande ce qui se serait passé si ça avait été mon appareil photo ou Boma-Yé qui avait été en jeu . En tout cas, c'est marrant que je me fasse voler ma montre à la veille d'un mois pendant lequel les horaires ont une telle importance.
    Et puis c'est marrant aussi ça : je fais presque 4000 bornes à pieds sans encombre et je me fais avoir sur un trajet de 100 mètres. Mais finallement, les choses ne sont pas tellement différentes ici de ce qu'elles étaient tout au long de mon voyage, à savoir que le pire fléau social qui soit, c'est le chômage, l'inactivité et l'absence de but. Partout, c'est le système D pour gagner un peu d'argent (dont la majorité part dans le Kat') que ce soit par le vol (rarement) ou par toutes sortes de petites combines : devant les bars, t'as des types qui te surveillent ta voiture et la nettoie si tu rajoutes un peu, sur la route de Khor Ambado, t'as un bonhomme qui se ballade avec une pelle et fais semblant de rafistoler la piste pour demander un petit pécule, ... Y a aussi beaucoup de mendicité dans la ville. C'est dur de se comporter devant un mendiant à qui on ne donnera pas, tu l'ignores ou bien tu soutien son regard plein de tristesse. Même si c'est du jeu, ç'a l'ai qu'à moitié pour lui et quand c'est un enfant ça fais ... je pourrais pas trouver le mot pour dire ce que ça fait.

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  • Je vois 3

    L'hosto 2

    Changer le monde. Il parait qu'il faut être jeune et con pour penser qu'une chose pareille puisse être possible, alors c'est que je correspond aux 2 critères, pourtant, je suis pas sûr que quand je serais vieux je serais moins con et que j'aurais perdu mes illusions sur nos capacités à faire avancer les choses : je resterais persuadé que si un jour, un jour un seul, on s'active tous ensemble à rendre ça possible : on y arrivera.
    Ce jour ne viendra jamais, j'ai perdu mes utopies à ce sujet, par contre, je reste persuadé que petit à petit (dougoum dougoum , comme on dit en Afar) , on peut rendre possible en quelques décénnies ce qui le serait par cette journée. Il faudrait juste pour ça qu'on en est la volonté commune. Mais ça, c'est pareil, j'ai beau resté idéaliste, j'y crois plus vraiment non plus. Alors je me force .
    C'est sûr que c'est plus simple de se dire que c'est une utopie, que ça sert à rien de se battre, c'est facile de se planquer dans le confort de son siège en regardant le bus dans lequel tous nos frères se trouvent foncer droit dans le mur et se dire : « heureusement que j'ai attaché ma ceinture, et les autres, ils ont même pas d'airbag ? oh ! les pauvres ! ».

    Ne plus croire, ne plus rêver, ne plus se dire innocemment que c'est possible : c'est peut-être ça la lâcheté finalement.

    Je vois qu'j'y crois plus. Je sais qu'c'est que passager, mais comment voulez vous qu'je continue d'y croire alors que, en travaillant dans le plus grand hôpital public du pays, je vois les gosses mourir à la pelle. Refermer des linceuls, c'est quelque chose que j'ai appris à très bien faire ici. J'ai pourtant pas appris que ça, je me suis amélioré, je bosse vraiment mieux, techniquement, je suis au point, médicalement, j'apprends sans arrêt, je connais bien mon service, mes collègues, mes mamans et mes gosses. Mais je vois bien que c'est jamais assez, la moindre petite victoire se fait avec des contre parties parfois catastrophiques, c'est rude. C'est rude des fois de batailler des heures durant à maintenir et surveiller un enfant, de le faire tant et si bien que t'en délaisse les autres, et le lendemain quand tu reviens au boulot, t'apprends que non seulement celui pour qui tu t'es battu s'est envolé, mais en plus qu'un autre enfant que t'avais délaissé parce que tu t'rendais pas compte de la grâvité de sa situation, s'est envolé aussi. C'est rude des fois de devoir enlever l'oxygène à un enfant qui respire mal parce que tu reçois une urgence avec un autre enfant qui respire mal, c'est rude de faire ce choix en 2 secondes en se demandant ce qui vaut le mieux : privilégier ceux qui ont le plus de chance ou bien aider celui qui est dans le pire état, c'est rude des fois de soutenir le regard d'une maman. C'est rude des fois de voir un gosse aller mal, de pas oser lui passer un traitement que tu crois judicieux et de voir son lit remplacer par un autre minot qui va tout aussi mal le lendemain, c'est rude des fois de voir un enfant mal en point, de lui passer en urgence le traitement que tu crois judicieux, et de retrouver son lit remplacer par un autre gosse le lendemain, c'est rude des fois de ne connaître le résultat de ses actions ou de ses inactions que quand le résultat est mauvais. C'est rude de voir des enfants atteints de pathologies si graves que même en France on galèrerait à les soigner, ici, on les regarde mourir ( ce qui est mieux que fermer les yeux) et si on peut vraiment rien faire pour soulager, on les renvoie chez eux. C'est rude de tenter de soigner des enfants dont les 9/10ème ont des diahrées et des vomissements et de pas avoir de médicament pour calmer ça. C'est vraiment rude de soutenir le regard d'une maman après avoir enfermé son enfant dans un tissu. C'est vraiment rude de soutenir le regard d'un enfant dont l'âme s'est envolée. Je repense à ceux qui m'ont dis auparavant que je faisait un beau métier : métier de merde ouais ! C'est dur de dormir, rire et vivre avec ces images au fond du crâne : des fois tu fais des nuits blanches alors que t'es crevé, et lendemain tu retournes bosser sur les rotules alors qu'il faudrait être une formule 1 qui tourne au diesel. Je vois qu'c'est dur ça, je vois qu'c'est dur de constater que ton service est rempli au 2/3 d'enfants malnutris, que c'est dur de les suivre les malnutris : leur poids, leur phase de régime, leur maman, leur lait, leur appétit, leur diahrées leurs vomissements et leurs toux, leur traitements leur fièvre, la façon dont la maman donne le lait, les effets secondaires de ce putain de lait renutritif de merde, ... C'est dur avec les mamans, des fois y en a t'aurais envie de les secouer comme des chiffons et y en a d'autres qui sont sans arrêt en train de t'appeler pour des conneries qui en valent rarement la peine. Quand je galérais encore sur la technique, y en a eu des très dures avec moi et ça aussi c'est dur. C'est dur de se retrouver au milieu, pris entre 2 feux dans une dispute de mamans dont tu ne comprends pas le langage. C'est dur d'apprendre ce langage : le somali, autant l'arabe avait commencer à rentrer avec une facilité qui m'épatait, autant là je retiens rien et c'est pourtant pas faute de bonne volonté mais j'ai bien peur que les bénévoles qui arrivent 2 à 3 mois après moi sache vite mieux parler que moi. Par contre, je vois que j'ai fais des progrès ahurissants en empathie, langage des signes, lecture des regards compréhension d'une conversation en fonction du ton utilisé, en bref dans tous les domaines du système D de la communication humaine. Mais c'est dur, parcequ'une fois que j'aurais acquis les bases du somali, il me restera encore à apprendre l'afar et l'amarik : y a beaucoup d'afars et d'éthiopiens dans le service, c'est dur. C'est dur de voir sortir des enfants que tu sais qu'ils ne sont pas guéris malgré qu'ils aillent un peu mieux, c'est dur de voir la queue des familles qui attendent pour rentrer, c'est dur de trouver de la place pour les nouveaux, c'est dur de dire à une maman de revenir le lendemain en voyant que son enfant va d'un état que tu qualifie rapidement de « moyen », c'est dur de pas la voir revenir le lendemain. C'est dur de te dire à propos d'un enfant : « celui là, vaut peut-être mieux qu'il meurt ». C'est dur de voir mourir un enfant que tu croyais qui allait survivre.

    C'est très dur de voir 2 étoiles s'éteindre dans les yeux d'un enfant que tu tiens dans tes bras.

    C'est rude et c'est dur. Et si c'est pour ça qu'j'y crois plus, alors vraiment ne plus croire c'est être lâche. Vous inquiétez pas pour moi, je saurais me relever, je sais bien que tout ça de toute façon :
    C'est la Vie.

    La vista, la muerta, je les vois et je les côtois toutes 2 , alors qu'elles n'ont jamais été pour moi si proches l'une de l'autre : d'un côté tous ces enfants qui décèdent ( et y en a tellement), essentiellement des nouveaux-nés et des malnutris et de l'autre côté, je n'ai jamais vu service médical plus vivant, les cris, les pleurs, les rires, les joies et les désespoirs, ces mamans prêtent à tout pour sauver leur enfant et celles qui ont perdu espoir depuis belle lurette. Je vois qu'en France on se dit que la culture africaine accorde plus d'importance à ses personnes âgées parcequ'elles sont plus rares que par chez nous, et qu'en revanche, il y a moins d'attachement pour les enfants. Je vois que même si y a une partie de vrai, notamment dans les attitudes masculines, pour les mamans ce n'est pas le cas et la vie d'un être est pour elle essentielle et ce jusqu'au bout, même quand toi t'as perdu le plus petit espoir. Cela dit, la mortalité infantile étant ce qu'elle est, les populations qui en sont victimes ont simplement une aptitude à accepter la fatalité que nous avons oublié dans nos univers ultra protégés. La Vie et la Mort . On apprécie la première qu'en étant conscient de la seconde.

    J'ai appris le métier en m'adaptant aux moyens dont je pouvais disposer, puis, je suis devenu bon, vraiment bon, je peux tenir le service surchargé à moi seul, prendre en charge les malnutris, évaluer et traiter des urgences, ... Mais même après ça, les gosses tombent toujours et encore et j'arrive à rien faire contre : ce mois saint de Ramadan a été un carnage dans le service . Nos horaires ont changé mi-septembre, on change tout le temps de cycle entre matin, après-midi et nuit, tout ça sur 4 jours (je vous dispense de mes heures sup'), du coup, tu respires plus et le jeûn ajouté à ça, tu deviens une sorte de zombie qui ne vit pour rien d'autre que pour le boulot, dont le sommeil est hanté par le regard creu inerte et vide de cette belle adolescente qui a déréglé son diabète en jeûnant, que t'as pas réussi à rééquilibrer faute de moyens de matériel et de connaissances, par les yeux creux et déjà cadavériques d'une petite malnutrie dont t'as pas réussi à stopper les diarrhées et les vomissements, par le teint blanc de cet enfant devant lequel t'es passé en prenant ton service, tu l'as trouvé pâle mais il semblait serein en plein sommeil, alors tu t'es pas arrêté, pas par flemme mais parce que t'avais pas envie de le réveillé parce que dès qu'il aurait ouvert les yeux et aurait vu ton visage blanc, il se serait mis à pleurer sans qu'on puisse l'arrêter : 15 minutes plus tard, tu le retrouve mort.
    C'est dur et c'est rude putain d'être constamment pris par ces questions qui ne te lâchent jamais : Qu'est ce que j'aurais dû faire ? Qu'est ce que j'aurais pu faire ? Comment faire mieux ?
    Je vois que je me demande qui, du soignant ou du serial killer a la conscience la plus tranquille parce que la mienne est pas au beau jour.

    J'étais complètement dans cet état d'esprit en cette fin de Ramadan, laissant la mort prendre le pas sur la Vie dans ma mentale d'infirmier, et il se serait fallu de peu pour qu'elle prenne le pas sur la qualité de mon boulot. Je sais plus comment on appelle ça, le burning-out ou un truc comme ça, en tout cas, j'allais me brûler quand ça a commencé, il parait que le besoin de reconnaissance est essentiel à l'Homme et je le crois volontiers parce qu'alors que je m'étais persuadé de l'inutilité de mon travail, j'ai compris qu'il n'en était rien, que je peux continuer de me crâmer, ça servira, aussi sûr que 1+1=3.
    Le dernier jeudi du Ramadan, j'étais d'après midi avec Fadoun, ça s'était bien passé malgré qu'on ait plusieurs enfants très mal. Pendant le service, une maman vient me voir et me demande l'autorisation de me donner une lettre : j'accepte et toute l'après-midi, à chaque fois que je passe dans sa chambre, je la vois écrire méticuleusement sur un petit bout de papier. Elle me donne sa bouteille à la mer alors que je vais prendre le dîner avec mes collègues, je crois alors que c'est une lettre d'Amour (j'en ai déjà reçu une et plus d'une maman m'a déjà fais des avances( et des belles, Parole)). Après le repas, Moktar et Idriss arrivent pour prendre la relève. Une fois fini, je veux montrer un nouveau né à Moktar et on le trouve en arrêt. A Nous 4 et pendant plus d'une ½ heure on va le réanimer pour finir par perdre le combat (Dieu ait ton âme p'tit bout). Je quitte le service juste après ça pour arriver à l'appart où c'est la fête, ce soir on a invité les amis que l'on s'est fais ici depuis notre arrivée. Je suis triste, je suis mal et je commence la soirée par les épices pour me fermer un peu plus encore dans ma petite bulle, depuis que je travaille ici, j'ai jamais pleurer si ce n'est 2 larmes le lendemain de la mort de Tito et Toti. J'aimerais pourtant tellement y arriver, je sens au plus profond de moi que j'en ai besoin, mais ça viens jamais. Je commence à faire la fête : sourires jaunes, faux rires et explosage de tête, quand, en me déplaçant je fais tomber la lettre de Ayane. Je l'avais complètement oubliée. Je vais la lire, assis par terre sur le palier. Au fur et à mesure que je déchiffrais tant bien que mal son message, son appel à l'aide où elle m'explique comment sa fille, Nasteho (hospitalisée pour malnutrition), est née il y a 1 an dans le désert alors qu'elle essayait de franchir la frontière, combien elle galère pour s'occuper d'elle, et où elle me demande si je peux lui trouver un boulot comme femme de ménage pour pas que sa fille devienne « une ratée comme sa mère » ; mon visage a commencé à se désintégrer en une espèce de grimace inhumaine, j'ai tenu jusqu'à la dernière ligne avant d'exploser en sanglots, de ces larmes qui te font cahoter et gémir. Ca a duré je sais pas combien de temps, en tout cas, je suis monté sur le toit me promettant de faire tout ce que je pourrais. Mais quoi ? Et c'est là que j'ai compris : mon MAXIMUM, pour Ayane et Nasteho comme pour tous les autres. Faut pas lâcher l'affaire, jusqu'au bout, même sans espoir. A la Koolau.
    Le premier jour, où j'ai commencé le boulot à Balbala, je faisais l'entrée, et un gosse de 14 ans se plante devant moi. Un peu maigre, mais en bonne santé ( je le reconnais mais je pas y croire, pour moi il est mort de puis plus de 2 mois), je lui demande son nom, il m'répond Alo.

    Je vois que j'y crois.

    Depuis que j'ai travaillé ailleurs , je vois qu'j'ai compris que ce service était le dernier recours, c'est pas partout comme ça heureusement, et maintenant que l'étude démarre, je ne travaille plus dans un service en temps que tel, mais un centre de renutrition à Balbala. J'y ai un boulot de barré, mais c'est très différent


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